Ce photographe tchèque historique n’a cessé de travailler ces séries, des Gitans aux Exils en Europe. Une œuvre humaniste et méticuleuse.
Ce photographe singulier a notamment réaliser plusieurs séries emblématiques Théâtre, Gitans, Invasion 68:Prague et Exils, publiées en de nombreux s ouvrages comptant plusieurs éditions.. Le a bien cerné le rapport fait de réagencements périodiques du Tchèque face sa production imagée: «Regroupées par pays ou par périodes, ou plus souvent par thèmes ou par accords, il travaille ces photographies autant qu’elles le travaillent. Il les classe (un personnage ou plusieurs dans le champ. Dominance des verticales ou des horizontales, de l’ombre ou de la lumière…). Il les rapproche et les confronte. Obsessionnellement, il s’interroge, juge ce qu’il a fait, définit ce qu’il doit faire.», écrit journaliste et critique de cinéma Bernard Cuau (Josef Koudelka, 1984).
Théâtres pragois
Au fil de la décennie 1960, il est photographe de plateau dans des théâtres de la capitale tchèque. Ces lieux sont alors des ilots d’une certaine liberté à dire et à créer. On y croise l’écrivain et dramaturge Vaclav Havel qui présidera de 1989 à 1992 aux destinées de la République fédérale tchèque et slovaque. Pièce montée par Otomar Krejča, Les Trois Sœurs de Tchekhov est rendue dans un noir-blanc fantomatique aux contrastes fortement marqués.
L’abord méticuleux du cadre et du sujet dans son expressivité marquent durablement dans ses premières photographies de plateau réalisées parmi les actrices et acteurs. On relève un soin apporté à la composition tant graphique que lumineuse. Ceci avec des sujets mobiles et dans des conditions d’éclairages minimalistes. Cette approche du théâtre le voit déjà arpenter des gestes identiques vus comme des rituels.
Aux côtés des Gitans
Fidèle à ses propos: «J'ai toujours été attiré par ce qui prend fin, ce qui bientôt ne sera plus», les années 1960 lui permettent de se consacrer aux existences gitanes. Si la culture gitane magnétise son regard, Josef Koudelka parvient à s’en faire le sismographe sachant donner du temps au temps jusque dans la précarité qui affleure. Sens de la vie fragile et intense si liée à la mort, et au deuil, à la musique et à la fête font frémir ses compositions au parfum atemporel. De 1962 à 1971, en Tchécoslovaquie (Bohême, Moravie et Slovaquie) et Roumanie notamment, il multiplie les portraits de la vie gitane pétris d’humanité.
Ses sujets semblent souvent conscients de la présence du photographe avec lequel ils dialoguent corporellement et par le regard. L’ensemble évoque une forme de journal intime baigné d’un regard empathique et d’une dimension symbolique prégnante. Le grain des images s’y révèle d’une belle densité et le mouvement souvent volubile, tendu comme un archet. Au final, voici des images à la fois accessibles et énigmatiques.
Prague 68 et Exils
A l’époque, Josef Koudelka n’a pas diffusé sous son nom ses photos de l’arrivée des tanks à Prague et de la résistance civile en août 1968. De fait, pour assurer la sécurité de sa famille, il gardera l’anonymat sur cette production jusque dans les années 80. Objet d’un livre mêlant données factuelles et archives aux photos, Invasion Prague:1968, ces images iconiques lui valurent son expulsion du pays natal. A 30 ans, il immortalise donc l’intervention militaire des forces du Pacte de Varsovie mettant fin au Printemps de Prague. On y découvre Les instantanés de cette invasion paraîtront pour la première fois en Tchécoslovaquie en 1990 dans l’hebdomadaire Respekt.
Paru il y a plus de 30 ans, Exils est devenu un ouvrage témoignant d’un homme qui a vécu pour et par la photographie. Il est animé d’une obsession kubrickienne à en garder la maîtrise dans sa production, reproduction et édition sous toutes ses formes. A l’origine, il s’agit de quelques 75 images saisies durant une existence nomade que mena Josef Koudelka à parcourir l’Europe où les Gitans lui montre parfois de précieux souvenirs au cœur d’un kaléidoscope de dénuement.
Bertrand Tappolet
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