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L’aérien façon Rachid Ouramdane

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

"Contre-Nature" de Rachid Ouramdane est une fresque chorégraphique explorant l’absence, le passage du temps et les réminiscences de l’enfance.


"La Nuit tombe", photo de la série "L'Oeil cacophonique" inspirée de l'univers dada et de Facebook. Aurore Valade
Rachid Ourmadane "Contre-Nature". Photo Patrick Imbert


"Epoca" extraite de la série "L'or gris". Aurore Valade
Rachid Ourmadane "Contre-Nature". Photo Patrick Imbert

Entre puissance et douceur, ce spectacle intense prolonge les recherches du chorégraphe, visibles dans Outsider créé pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève et Corps Extrêmes, où les corps suspendus capturent la vulnérabilité humaine.

L’artiste concilie des gestes opposés — l’ancrage au sol et le désir d’élévation — pour une poésie de la fragilité. «L’avancée et le dépassement de soi grâce au collectif demeurent centraux dans mon travail» précise-t-il.


Dynamiques


Les dix interprètes génèrent des dynamiques inédites où un mouvement en engendre un autre.

Intrigué par la chute et l’élévation, Ouramdane examine la fracture de l’harmonie collective, révélant la fragilité derrière la virtuosité.


Contre-Nature interroge aussi la manière dont les absents continuent d’exister en nous. Ce travail a inspiré une scénographie hantée, mêlant brumes et projections vidéo.


Sur scène, les corps se meuvent comme si les autres étaient encore présents, exprimant une absence vertigineuse. Une danseuse évolue seule, puis un partenaire apparaît, s’ajuste parfaitement à ses gestes, avant de disparaître. Ce flux incarne l’idée que nos mouvements sont façonnés par ceux des autres.


Enfance et diversité


L’opus se déploie sur une scène nue, baignée de lumière sculpturale. Une brume surnaturelle fait surgir des images fantomatiques, évoquant l’intangible. Un enfant — ou un enfantôme, selon Pierre Péju — incarne l’innocence et le lien avec les disparus, surgissant pour disparaître. Rachid Ouramdane explore l’impact des premières expériences humaines, comme dans Franchir la nuit, où il a travaillé avec des enfants migrants.


L’enfance, entre deux vides, devient un messager entre vivants et absents. La scénographie de Sylvain Giraudeau, les lumières de Stéphane Graillot et la vidéo de Jean-Camille Goimard forment un cadre où les danseurs, acrobates et lumières dessinent l’invisible.


Cette œuvre célèbre la diversité des parcours des interprètes et mélange danse et acrobatie. Chaque mouvement évoque l’altérité et l’universalité, traduisant un équilibre fragile entre gravité et élévation. Le geste aérien, thématique récurrente, dépasse l’exploit physique: il symbolise une quête introspective et un dépassement des pesanteurs sociales et psychiques.


Dans Outsider, le Ballet du Grand Théâtre se mêlait à des funambules, tandis que dans Contre-Nature, chaque envol est imprégné de l’absence des disparus, évoquant les empreintes qu’ils laissent.


Contemplation


La musique minimaliste de Jean-Baptiste Julien enveloppe la chorégraphie d’une atmosphère contemplative. Ce dialogue entre sons et gestes sublime l’introspection collective, réinventant un langage chorégraphique où chaque mouvement répond à un souvenir ou une absence.


Par cette œuvre, le chorégraphe poursuit son exploration de l’altérité et des transformations humaines, célébrant la complexité et la diversité des identités. Les interprètes, portés par un flux d’émotions et de mouvements, questionnent notre capacité à être ensemble.


Depuis 2021, Rachid Ouramdane dirige Chaillot – Théâtre national de la Danse à Paris, avec un projet valorisant diversité et hospitalité. Issu d’une famille marquée par la guerre d’Algérie, il développe un art de la rencontre où danse et documentaire s’entrelacent. Contre-Nature reflète cette quête humaniste, mettant en lumière des identités multiples et célébrant la fragilité comme force.


Bertrand Tappolet




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